Bien que des coprolithes aient été retrouvés et identifiés sur des sites palafittiques depuis le XIXème siècle (Kuhn et al. 2013), la reconnaissance de leur potentiel dans la recherche sur les pratiques agro-pastorales du passé est encore en plein essor (Marinova et al. 2013, Jakobitsch et al. 2023). Les sites de milieux humides permettent une préservation exceptionnelle des vestiges organiques du fait des conditions anoxiques. Ce poster vise à tester une approche multidisciplinaire incluant carpologie, palynologie et analyse de l’ADN ancien sur les coprolithes retrouvés sur le site des Mongets en Haute-Savoie. Le site des Mongets est un établissement lacustre situé sur la rive ouest du lac d’Annecy, daté par radiocarbone de l’âge du Bronze ancien (entre la première moitié du deuxième millénaire au début du troisième millénaire av. J.-C., Billaud 1992). Il fait donc figure d’exception parmi les occupations alpines françaises, la plupart datées du Néolithique ou de l’âge du Bronze récent (Billaud et Marguet 1997). Il s’agit également du seul site savoyard où un ensemble composé d’une palissade et de deux structures a pu être interprété comme défensif, à l’image du site – également Bronze ancien – de Concise/Sous Colachoz sur le lac de Neuchâtel (Billaud et al. 2021). Cette étude réalisée sur une demi-douzaine de coprolithes retrouvés dans un prélèvement carpologique de cette occupation vise à étoffer notre compréhension de l’environnement de ce site et des activités pastorales qui y étaient pratiquées, à travers l’emploi d’analyses multidisciplinaires et multiscalaires. En effet, les fèces retrouvées sur ce site, excrétées par des moutons ou des chèvres, pourraient apporter des informations sur la diète et les conditions de vie et de santé de ces animaux. D’abord, l’étude des restes de graines, feuilles et fibres végétales piégés à l’intérieur des coprolithes offre une vue directe sur les aliments consommés par le bétail, pouvant livrer par là des informations sur les types de végétaux et de milieux exploités (bois, friches, pelouses, plantes cultivées…), sur les pratiques de gestion des animaux (pâturage, affouragement en stabulation) et sur leur saisonnalité (Akeret et Jacomet 1997, Kühn et Wick 2010). En complément à la carpologie, la palynologie permet également de reconstituer la végétation des environnements fréquentés par les caprinés : les pollens, présents dans l’air, l’eau et sur les végétaux, sont ingérés par les caprinés et se retrouvent piégés dans la matrice du coprolithe (Akeret et al. 1999, Kühn et Hadorn 2004). De plus, l’étude des microfossiles non-polliniques dans l’analyse palynologique peut également révéler la trace de parasites intestinaux touchant le bétail. Enfin, des analyses ADN pourraient permettre d’étendre l’éventail d’espèces végétales identifiables – afin de reconstituer l’environnement – ainsi que confirmer l’espèce de capriné concernée, là où la morphométrie et d’autres types d’analyses ne permettent pas de différencier le mouton de la chèvre (Shahack-Gross 2011, Witt et al. 2021). Le croisement de ces trois méthodes, à trois échelles – micro et macroscopique, et moléculaire – permettra d’élargir le spectre de taxons identifiés et de proposer une interprétation plus complète des activités pastorales pratiquées aux Mongets. La méthodologie proposée pour cette étude est adaptée de Kühn et al. (2013). Il s’agit d’abord de gratter l’extérieur de chaque coprolithe afin de le ‘nettoyer’ en retirant les possibles contaminants provenant de la matrice sédimentaire ou de l’environnement moderne ; ensuite, les mesurer et les peser ; enfin, les disséquer dans de l’eau déminéralisée et à l’aide d’une loupe binoculaire, afin d’en extraire les carporestes. Une fois ces éléments identifiés et quantifiés, une partie de la fraction restante fait l’objet d’une analyse palynologique afin d’identifier d’autres taxons présents dans le paysage et avec lesquels les caprinés ont pu entrer en contact. La dernière fraction restante des coprolithes fera l’objet d’une analyse de l’ADN ancien préservé dans l’échantillon. Les phases de préparation à ces analyses, ainsi que l’étude carpologique et l’analyse paléogénétique auront lieu dans un laboratoire confiné afin d’éviter les risques de contamination par du pollen ou de l’ADN moderne. L’analyse multidisciplinaire des coprolithes des Mongets a un fort potentiel concernant l’enrichissement des connaissances sur le pastoralisme ancien et les dynamiques socio-économiques dans les Alpes françaises à l’âge du Bronze ancien. En associant ADN ancien à la palynologie et à la carpologie, cette étude vise à maximiser les enseignements tirés de l’analyse des coprolithes. En effet, la paléogénétique peut révéler un panel de taxons dont les traces ne sont visibles qu’au-delà du microscopique, et ainsi participer à une connaissance plus approfondie de ce site exceptionnel.