Les dernières années ont été marquées par une prolifération des travaux sur le rôle des informations sensori-motrices dans la cognition, ainsi que des normes psycholinguistiques permettant d’en saisir les différentes dimensions. Concernant plus particulièrement les interactions manuelles avec les objets, les travaux – notamment sur les affordances – font couramment usage de normes de manipulabilité pour la sélection de leurs stimuli. Un manque de consensus sur la définition et l’opérationnalisation de cette notion a cependant donné lieu à un grand nombre de normes différentes, rendant ainsi la comparaison des résultats dans cette littérature difficile. Par ailleurs, la mise en évidence récente d’une limite méthodologique fondamentale sur la validité des normes du type Likert vient fortement remettre en question la plupart des résultats dans le domaine. En effet, Pollock (Behavior Research Methods, 50, 1198–1216, 2018) montre que les items ayant des scores moyens vers le milieu de l’échelle sont souvent marqués par un désaccord des participants dans leurs jugements – ce qu’il nomme le midscale disagreement problem. Les scores de ces items ne seraient ainsi pas représentatifs de la distribution des réponses sous-jacente, et donc de leur emplacement sur l’échelle pour une dimension donnée. Or, une analyse des stimuli utilisés dans diverses études révèle que ces items problématiques sont très couramment retrouvés dans les listes expérimentales. Leurs résultats ne peuvent ainsi souvent pas être directement attribués à un effet des variables d’intérêt. Après une brève présentation des différentes normes de manipulabilité et de notre proposition de cinq nouvelles normes, nous nous pencherons plus en détail sur les limites des échelles de Likert évoquées ci-dessus. Nous illustrerons en particulier les observations de Pollock (2018) et leurs répercussions méthodologiques pour les travaux sur les affordances et les connaissances motrices. Une analyse plus fine du problème sera ensuite proposée sur base des normes de Body-Object Interaction que nous avons recueillies, permettant d’identifier les items problématiques avec plus de précision. Nous finirons par soulever des questions sur les bonnes pratiques à adopter lors du recueil (notamment concernant le nombre de participants nécessaire) et de l’interprétation des normes du type Likert et essayerons d’y apporter un début de réponse.